20 août 2016
La journée finale de la dixième Reggae University s’est centrée sur la famille. Les sessions ont été ouvertes avec une conférence mélangeant reggae et dancehall menée par le clan multi-talentueux McGregor. Le patriarche Freddie était accompagné de ses fils, le producteur dancehall Stephen et l’artiste Chino. Dr Dennis Howard, de l’Université des West Indies, a apporté un contexte culturel supplémentaire.
L’intervenante ‘résidente’ Pete Lilly du magazine Riddim a demandé aux invités pourquoi tant de talents jamaïcains ont ‘entraîné’ les générations plus jeunes. « Mon père était promoteur de danse et technicien du son », a répondu Dr Howard. “Beaucoup de musiciens n’encouragent pas leurs enfants à se lancer dans la musique mais ils le font quand même ». « C’est l’un des milieux les plus difficiles », a ajouté Freddie. « Les gens voient les paillettes et le glamour. Je n’aurais pas pu le faire 54 ans si ce n’était pas quelque-chose de spirituel ». Venant de la très musicale paroisse de Clarendon, Freddie a commencé en chantant à l’école. Il s’est joint aux Clarendoniens, aux côtés d’Ernest Wilson et Peter Austin, qui l’ont amené au très grand label Studio 1 à seulement 7 ans. Studio 1 donnait l’impression « d’aller vers le campus de l’université », celle des légendes des années 60. Freddie était bon dans les chansons d’amour mais en 1973, il y a eu « un grand tournant vers le Rastafari. Mon plus grand changement dans la vie et la musique ».
Chino a révélé que lui et son frère ont d’abord été accusés de se servir du nom de leur père – qui avait inspiré le hit de Chino Protected. Ils ont aussi fait face aux critiques en mélangeant dancehall et hip hop. « Je suis né dans les années 90 et ai grandi avec la musique de papa, le hip hop, le R’n’B et le rock”, a dit Stephen. « Les critiques ne jouent pas beaucoup sur la créativité. Je vis dans le studio, pour ne rien regarder ». Dr Howard a fait remarquer que Freddie critiquait le dancehall moderne alors que ses enfants étaient des stars dans le domaine. « Le dancehall est un milieu dans lequel tout se jouait », a ajouté Freddie. « Mais aujourd’hui, je vois un nouveau mouvement : le dancehall Gangster », depuis l’ascension de Vybz Kartel. Il a craint que « les jeunes générations se tournent plus vers le hip hop. Si vous êtes un jamaïcain dans la musique, la signature doit être jamaïcaine ». Ca a été le cas pour le dernier album True To My Roots de ses fils, dont il a adoré la nouvelle tune Zero Tolerance, du projet à venir Great Minds Think Alike.
La deuxième session, fermant les débats du festival, a continué sur le thème de la famille. Le légendaire chanteur roots Max Romeo est entré sous un tonnerre d’applaudissements avec sa fille Xana de 21 ans et son fils Azizzi de 17 ans. Max a raconté à l’intervenant David Katz comment il en est venu à chanter en 1965 avec le frère de Robbie Shakespeare, Lloyd et Kenneth Knight sous le nom d’Emotions. Quand Lloyd est mort et que Kenneth avait émigré, il a atteint une certaine notoriété anglaise via le notoire Wet Dream pour le producteur Bunny Lee. Il a rappelé Coxsone Dodd de Studio 1, à qui Lee louait le studio, qui refusait d’enregistrer à cause des paroles suggestives. Max n’était pas emballé par l’idée non plus. « Je me suis demandé ‘comment vais-je expliquer les paroles à mes enfants?' ». Ca a été le début de la carrière de Max comme chanteur rasta engagé. Sa face de 1972 avec la chanson ‘Let The Power Fall For I’ a accompagné la campagne électorale du futur Premier Ministre Michael Manley. Max a aussi eu un succès international en 1976 avec War Ina Babylon, produit par Island LP de Lee Scratch Perry. Il a rappelé que Bob Marley aimait tellement cette track qu’il voulait l’interpréter lui-même. Max a mentionné son ex collègue excentrique Perry comme « l’un des être humains les plus grandioses. Il a converti la folie en millions ! ».
Comme Freddie McGregor, Max a été doté d’enfants talentueux. Azizzi et Xana ont enregistré au studio de leur père Red Ark près de Linstead, et ils l’accompagnent désormais en tournée. Le public s’est montré enthousiaste face aux clips d’Azizzi et aux singles deep roots ‘Grow My Dread’ et ‘Righteous Path’ de Xana. “Merci”, a souri le calme Azizzi, qui travaille actuellement sur son premier album. « Mon père m’a donné l’opportunité de suivre ma destinée ». Xana a été surprise par les réactions lorsqu’elle est passée de ‘Righteous Path’ à ‘Gabre Selassie’ de Kingston’s Dub Club. “Jusqu’à aujourd’hui, je ne pensais pas que les gens s’intéresseraient à ma musique ». Elle prévoit de sortir son album ‘Wake Up’ pour l’anniversaire de son père, le 22 novembre, via le label familial Charmax music.
La Reggae University a été clôturée dans une ovation bien méritée. « Merci de nous avoir accompagnés pour notre dixième anniversaire », a déclaré l’invité David Katz “Nous espérons vous voir l’an prochain.”
Traduit de l’anglais par Sylia Amrarene